Au sanctuaire des miracles – Nérée Beauchemin
Quand je m’incline et m’agenouille
Au fond de tes sacrés parvis,
Et que, sur mes regards ravis,
Ma paupière tremble et se mouille,
Sainte église, ce n’est pas moi
Qui, plus haut que tes pierres, prie
La patronne de ta patrie,
Les saints et saintes de ta foi ;
C’est toi, la presque humaine orante,
C’est toi-même, dont l’oraison
Reste au même diapason,
Et ne cesse d’être vibrante ;
Et qui, corps et âme, sans fin,
Nuit et jour, d’aurore en aurore,
Intercède, jubile, adore,
Comme l’ange et le séraphin.
C’est par le ciel de ta coupole,
À travers le mystique encens
De tes autels éblouissants,
Que s’élève, hymne sans parole,
Que nul chœur n’a psalmodié,
La vague prière divine
Que le contemplatif devine
En ton silence extasié.
Pieuse église, dont les charmes
Et le prestige souverain
Touchent le cœur du pèlerin
Et l’attendrissent jusqu’aux larmes !
Sois fière d’ajouter encore
Les miracles d’Eutychiane,
Et les miracles de sainte Anne,
À ta riche légende d’or.
Mais voici que les orgues grondent,
Et, comme en un rêve, je crois
Entendre d’invisibles voix
Qui, sous les voûtes, se confondent :
Un mystérieux tremblement
Agite, on dirait, l’aile blanche
Des anges, dont le front se penche
Devant le très Saint-Sacrement.
Et quand, dans l’ombre des pilastres,
L’ostensoir d’or, irradiant
Comme aux cimes de l’orient,
Dans sa gloire, le roi des astres,
Monte, de l’autel, au milieu
Des palpitantes auréoles
Que lui font mille girandoles,
Je crois voir la face de Dieu.
Et, dans ses vertèbres de pierre,
La sainte Église, aux flancs sacrés,
Frémit aux accents éthérés
De la musique et la prière.
Rythmes d’amour cent fois redits !
Ô délices que l’âme goûte,
Comme un dictame, goutte à goutte.
Oh ! n’est-ce pas le paradis ?