Au pipirite chantant – Jean Métellus
(Extrait)
Et le paysan haïtien enjambe chaque matin la langue de l’aurore pour tuer le venin de ses nuits et rompre les épines de ses cauchemars
Et dans le souffle du jour tous les loas sont nommés Au pipirite chantant le paysan haïtien, debout, aspire la clarté, le parfum des racines, la flèche des palmiers, la frondaison de l’aube
Il déboute la misère de tous les pores de son corps et plonge dans la glèbe ses doigts magiques
Le paysan haïtien sait se lever matin pour aller ensevelir un songe, un souhait
Sur des terrasses vêtues de pourpre il est happé par la vie, par les yeux des caféiers, par la chevelure du maïs se nourrissant des feux du ciel
Le paysan haïtien au pipirite chantant lève le talon contre la nuit et va conter à la terre ses misères dans l’animation d’une chandelle
Et son oreille croit plus à la patience des végétaux qu’au vertige du geste, à l’insurrection des herbages qu’aux prodiges du sermonnaire
Car il méprise la mémoire et fabrique des projets
Il révoque le passé tressé par les fléaux et les fumées
Et dès le point du jour il conte sa gloire sur les galeries fraîches des jeunes pousses