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Au loin – Frédéric Nietzsche

Au loin – Frédéric Nietzsche

Au loin, au loin
Luisent les étoiles de ma vie,
Et je contemple avec tristesse,
Mon bonheur de jadis,
Regardant si volontiers, si volontiers
Avec un frisson de plaisir en arrière.

Comme un voyageur sur les hauteurs se tient
Et surplombe du regard les lointains,
Les prés fleuris
Où passent en murmurant les douces, tièdes
Brises, et prête l’oreille
Avec un effroi secret :

Ainsi s’étendent devant moi
De vastes époques heureuses et arrachent
Mon esprit aux misérables bornes
De négatives pensées
Pour l’élever jusqu’aux joies éternelles de là-bas.

Je vois osciller la barque de Charon :
Je rappelle aux accents de la lyre d’or
Celles qui ont sombré
Et elles s’approchent et m’enserrent
De leur lumière magique.

Je m’efforce de les saisir — elles pâlissent
Et je dois les laisser s’évanouir :
Mon espérance est anéantie !

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