Aquarium – Gertrud Kolmar
Toujours et toujours encore se cogner à du verre,
Toujours et toujours encore tourner en rond,
Au lieu de flotter de çi de là, parée, dans de grandes eaux
merveilleuses, pleines de vie.
Toujours et encore déglutir des morceaux d’épluchures
Dans une vase tiède et moite,
Au lieu d’attrapper d’une petite bouche coloriée
La lumière verte et la proie fraîche, vivifiante ?
Toujours et toujours encore ressentir la dureté,
Une mince couche de sable écoulé,
Au lieu de très profondément s’enfouir
Contre le visage brun qui réchauffe.
Toujours et toujours encore une plage de choses méchantes,
Là où le petit poisson s’échoue malade et encore combattant,
Quand violemment, sautant sans réfléchir,
Il survole sa patrie misérable ;
De haut en bas sans cesse vite bloqués,
De brefs éclairs, de gauche à droite en accéléré,
Toujours et toujours encore, hélas, toujours et toujours encore
Ce plus petit des mondes connaît sa fin !
Dans les lointains reposent des étangs noirs,
Meurt une source en cascade bordée d’arc-en-ciel,
Le large déversoir conduit son cadavre
A une tombe de cristal qui s’enfuit.
Même les poissons aimeraient secrètement rêver
de ce qui libère leur cœur comme la poitrine de l’homme :
Une vague bleue claire et l’écume
Des mers douces de l’infinité.