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Acclimatation – André Frédérique

Acclimatation – André Frédérique

Mes amis m’ont confié leur girafe avant de partir en voyage, pensant me faire plaisir, en égayant ma solitude. Je ne loge pas volontiers les mammifères, néanmoins je ne puis refuser à ce qui part d’une intention louable. Mon humeur n’en est pas moins sobre : j’habite un petit appartement au sixième.

D’abord l’ennui d’imaginer quelque raison valable pour le concierge. Les premiers temps, l’animal caché sous un décor, je fais celui qui déménage des poutres. Jusqu’à ce que le concierge s’inquiète d’un tel trafic : moi qui, avant, passais comme une ombre. Je me résous à l’habiller en chien. Ce n’est pas parfait. Là non plus je n’évite pas les soupçons. Ni les moqueries des enfants.

Le propriétaire vient en personne vérifier les résonances des murs (à ce qu’il dit). Tandis qu’il frappe (feignant l’intérêt) sur les cloisons avec un petit maillet de bois, son œil scrute les alentours. Je ne doute pas qu’il ne soit là pour le chien. Caché derrière un paravent, j’aboie, j’aboie. Il s’en retourne mécontent, assez peu rassuré.

D’autres personnes arrivent, des amis, des employés, des curieux qu’il envoie. Tous pour des raisons diverses, inspectent, flairent, ramassent des poils.

À contrecœur j’enferme la pauvre bête dans un placard. Son sabot de nuit frappe, et, à la longue, le bruit cesse.

À leur retour, j’achèterai pour mes amis une autre girafe.

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