A Crémazie – Nérée Beauchemin
Dans le plein jour du ciel natal qu’elle reflète,
Et que l’ombre d’exil ne vient plus assombrir,
Nos yeux ont reconnu l’image du poète,
Telle que la douleur et le rêve l’ont faite ;
Et nos mains vont se tendre, et nos bras vont s’ouvrir.
Nous t’embrasserons tous, ô notre doux aède !
Ô notre illustre barde, enfin, grâce au sculpteur,
Grâce au maître inspiré que l’idéal obsède,
Enfin tu nous reviens, enfin l’on te possède,
Et tu nous apparais comme un triomphateur.
Un frisson de lumière a passé sur ta tempe,
Tu revis ; et, vibrant à l’appel de tes yeux,
Le vieux soldat mourant se redresse et se campe,
Et le drapeau déroule, au sommet de la hampe,
La gloire des lys d’or, dans la gloire des cieux.
Suprême illusion de l’oeuvre de l’artiste !
Prolongeant jusqu’à nous l’écho répercuté
Des rythmes dont le charme attendrissant persiste,
Au souffle harmonieux de la Saint-Jean-Baptiste,
Les cordes d’une lyre invisible ont chanté.
Ô poète, c’est toi ! Nous t’écoutons encore,
Sous le rayonnement de nos clochers vainqueurs ;
C’est ta race, aujourd’hui, qui t’exalte et t’honore,
Et, comme à Carillon, la trompette sonore,
Dans un groupe infrangible, a réuni les cœurs.
Dans cette île de gloire où la ville évolue,
Tout un peuple t’acclame, au pied du Mont-Royal ;
Maisonneuve te nomme et Chénier te salue ;
Jeanne Mance s’incline, et Bourget, l’ombre élue,
Te bénit, te console, ô chantre de Laval !
Ta place parmi nous, nous l’avons élargie,
Le temple de mémoire ouvre sa porte en deuil :
Barde, que ta tristesse enfin s’y réfugie ;
Que le mal de ta peine et de ta nostalgie
S’apaise au gracieux sourire de l’accueil.
Les villages pieux et les villes fidèles,
De roses ont fleuri les chemins du retour,
Et les brises du fleuve apportent sur leurs ailes,
Avec tous les parfums des floraisons nouvelles,
Des messages de paix, de bonheur et d’amour.
De tous ses ornements, le sol te fait l’offrande :
L’érable a déployé l’emblème qui te plaît :
L’été, sur la montagne, a tressé sa guirlande ;
Et c’est en ton honneur que la chanson normande,
Ce matin, des coteaux en fête, s’envolait.
À toi, tous ces refrains de musique lointaine,
Que les jolis rosiers blancs et les pommiers doux
Effeuillent sur les eaux de la Claire Fontaine !
À toi, tous les respects d’une race hautaine !
À toi, tous les bonjours du pays de chez nous !
À toi, les dons sacrés, ô divin Crémazie,
L’encens du souvenir et de la piété,
Les fleurs de l’éloquence et de la poésie !
À toi, la palme ! À toi, la coupe d’ambroisie.
À toi, le vêtement de l’immortalité !