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Pachamama – Juan Antin

Pachamama – Juan Antin

Tepulpaï et Naïra, deux petits Indiens de la Cordillère des Andes, partent à la poursuite de la Pachamama, totem protecteur de leur village, confisqué par les Incas. Leur quête les mènera jusqu’à Cuzco, capitale royale assiégée par les conquistadors.

Les studios Folivari avaient déjà frappé fort en 2017 avec leur premier long-métrage, Le Grand Méchant Renard et autres contes, qui obtint le César du meilleur film d’animation l’année suivante. Ce qui fait toute l’originalité et toute la singularité des productions Folivari, c’est cette capacité à dépasser la nature, d’ordinaire très enfantine, des dessins animés destinés à divertir le jeune public, pour leur faire emprunter un chemin plus philosophique et moraliste, mais pas moralisateur.

Pachamama s’inscrit dans ce même principe : ce conte initiatique raconte la persécution d’un petit village précolombien par l’Empire Inca. Les villageois, guidés par un chaman, vivent une vie d’agriculture, rendant une partie de leurs récoltes à Pachamama, leur divinité, priant leurs ancêtres qui veillent sur eux, tandis que les Incas, qui n’ont d’intérêt que pour l’or et les biens matériels, viennent piller leurs terres à la recherche de fortune, allant jusqu’à confisquer la Huaca, l’idole du village. N’écoutant que leur courage, Tepulpaï, un jeune garçon arrogant et égocentrique, et Naïra, une fille un peu trop sage, se lancent à sa recherche.

La dualité spiritualisme/matérialisme est signifiée par l’intrigue et l’image : les villageois sont représentés tout en rondeur, parlent très calmement. À l’inverse, les visages et les habitations des Incas apparaissent triangulaires, carrés, rectangulaires, des formes géométriques plus rigides.

Pachamama n’est pas qu’un film menant une réflexion sur le respect de la Nature et les excès du matérialisme et du productivisme. C’est aussi une œuvre en forme de quête de soi pour les deux héros qu’il met en scène : au contact du chaman, des Incas et de l’Observateur des ombres, Tepulpaï apprend la bravoure, la sagesse et l’humilité ; de son côté, Naïra apprend à désobéir et à penser et agir par elle-même. Dans Pachamama, les enfants grandissent et s’émancipent, comme seront amenés à le faire les jeunes spectateurs venus assister à leurs aventures.

Difficile de déterminer, a priori, là où les techniques d’animation utilisées pour donner forme aux images. Est-ce de l’animation 2D traditionnelle ? De l’animation en volume ? De l’animation 3D ? De papier découpé ? Il s’agit en fait d’animation 3D à rendu 2D, pour conserver la rondeur et l’authenticité des poteries et statues précolombiennes, ainsi que la dimension artisanale du cinéma d’animation. Le réalisateur argentin Juan Antin alterne habilement séquences réalistes, tendres, sages, parfois dures, et d’autres oniriques, contemplatives, pour le plaisir des yeux… mais aussi des oreilles.

La musique originale de Pierre Hamon, spécialiste des musiques anciennes, médiévales, baroques et de la Renaissance, est jouée directement avec des instruments de l’ère précolombienne : des flûtes de pan et des vases à eau en terre vieux de deux ou trois mille ans, rythment de mélodies chaudes et envoûtantes, aux accents latino-américains, les péripéties de ce film court et cependant très riche, fort d’un scénario simple et efficace, d’un discours pertinent, et d’une animation techniquement éclatante.

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