L’étrange Noël de Monsieur Jack – Tim Burton
Voici l’histoire de Jack Skellington, le roi des citrouilles de la ville d’Halloween, qui découvre un beau jour la ville de Noël et décide de célébrer lui-même cette fête étrange…
Animateur chez Disney dans les années 80, le jeune Tim Burton imagine déjà dans sa tête tout un univers parallèle peuplé d’êtres difformes qui tranchent sérieusement avec le monde aseptisé de son actuel employeur. Avec un sens de l’esthétisme gothique déjà fort prononcé, Tim Burton réalise Vincent (1982) magnifique court métrage d’animation anticipant de plusieurs années son univers déjanté qu’il concrétisera dans des films pour la plupart devenus cultes (de Beetlejuice à Edward aux mains d’argent). Au début des années 90, Burton veut revenir à ses premières amours et sort du tiroir l’histoire délirante de Jack Skellington, la méchante citrouille qui veut remplacer le père Noël, avec la ferme intention de la porter à l’écran. Conscient de l’énorme travail que nécessite la mise en chantier d’un long métrage entièrement réalisé image par image et en pâte à modeler, Tim Burton – complet auteur du projet – abandonne sa conception technique à Henry Selick dont les compétences ne sont plus à prouver.
Le résultat final est au-delà des espérances puisque le film devient culte quasiment instantanément. D’une incroyable beauté formelle, cette féerie musicale emporte immédiatement l’adhésion grâce à une animation parfaitement fluide – et bien moins aseptisée que bon nombre de ses concurrents d’alors, tous obnubilés par les prouesses de l’ordinateur -, mais aussi à une imagination débordante. Truffé de détails iconoclastes, de riches décors et de trouvailles visuelles étonnantes, cet étrange Noël ne ressemble à rien d’autre qu’à lui-même et s’intègre à merveille dans la filmographie du génial cinéaste. Merveilleux hymne à la différence, ce conte macabre n’essaye jamais de séduire les plus petits et assume pleinement sa part d’ombre au point de le faire ressembler à un cauchemar enfantin. Pas étonnant donc que de nombreux gothiques reprennent aujourd’hui l’effigie de Jack, ce rebelle qui s’ignore, grand saboteur de Noël, cérémonie sirupeuse et bien-pensante s’il en est. Il faut voir ce squelette longiligne terroriser les petits pour comprendre toute la force subversive de ce métrage.
Outre le message délivré, L’étrange Noël de Monsieur Jack est aussi une enchanteresse comédie musicale sublimée par la partition sans faille du fidèle Danny Elfman. Le spectateur, lui, est emporté dans un tourbillon de rires, de pleurs, de chants et se surprend à aimer ceux dont il est censé avoir peur. Ce n’est pas la moindre des réussites de monsieur Burton, grand poète des forces obscures.