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Les hirondelles de Kaboul – Zabou Breitman

Les hirondelles de Kaboul – Zabou Breitman

Les hirondelles volent vers la liberté dans le ciel de Kaboul en Afghanistan. La ville est occupée par les talibans, brutes obscurantistes, qui font régner la terreur, abaissant les femmes plus bas que terre, sacrifiées à vivre pour la plupart une vie de tortures permanentes. Les talibans n’ont laissé que ruines au milieu desquelles n’émergent que prisons, lieux de supplices et de mort. Dans ce désastreux contexte, Mohsen et Zunaira forment un adorable petit couple refusant le traitement et les contraintes exercées par les talibans. Souvent la violence et le fanatisme peuvent changer un être et au cours de la lapidation d’une femme en public, Mohsen commet un acte irréparable. De gros nuages noirs s’accumulent alors. L’idéalisme de la liberté n’est plus qu’un souvenir pour ce couple désabusé.

Les hirondelles s’en donnent à cœur joie tout là-haut, bien éloignées de ces prédateurs qui règnent en toute impunité sur Kaboul. Tout à coup une détonation se fait entendre, l’un des oiseaux est tué comme un symbole à la gratuité des crimes commis en Afghanistan. Des fourgons transportent pour les conduire à la peine capitale résistantes et résistants, capturés pour avoir voulu vivre comme ils l’avaient toujours fait jusque là. La crainte et les crimes, principales armes pour « convaincre », sont passés par là à tel point que le doux Mohsen a cédé sous l’emprise des autres et çà, Zunaira ne lui pardonnera jamais. Avait-il vraiment conscience qu’il contribuait à commettre un crime ?

Les stades de football sont transformés en lieu de pendaison sous le regard et les rires des jeunes enfants jouant au ballon sur ces terrains de la mort. Malgré tout, dans le silence, de rares habitants bravent les dénonciations et le claquement des armes pour tenter de résister à ces bourreaux n’ayant pour religion que leur sectarisme extrême, la haine des femmes libres et leur désir de détruire au plus vite les lieux où subsistent la paix, l’instruction autre que la leur et la liberté de vivre sa vie comme on la conçoit.

Néanmoins, dans ces ruines de Kaboul, il y a tout de même un îlot d’espoir au milieu de ce saccage. La gentille Zunaira, parfois résignée, va avoir espoir de sortir de cet enfer avec l’aide de Attiq et Mussarat prêts à sacrifier leurs vies pour que perdure dans ce désastre « une petite hirondelle terrestre » synonyme d’émancipation et de culture.

Ce film, tiré d’un roman paru en 2002 très engagé contre les « envahisseurs » de Yasmina Khadra , est adapté par Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec. L’œuvre fut conçue d’une façon si particulière qu’il fallu trois ans, de 2012 à 2015, pour le mettre au point. Il fut interprété en premier lieu par des acteurs au beau milieu d’un décor tout à fait réaliste dans des tons pastel. De là, la jeune graphiste Eléa Gobbé-Mévellec, image par image, transforma en dessin les personnages en suivant leurs physiques et leurs expressions tout en épurant les traits, le jeu et le dialogue. L’expérience est plus que concluante tant le climat reste intrigant, violent, émouvant. Cela, avec les couleurs pastel, donne au film un cachet indéniable, la brutalité et la douceur s’opposant magnifiquement.

N’oublions pas les acteurs formidables qui ont bien voulu se prêter à cette expérience peu banale : Zita Hanrot, dans le rôle de l’infortunée Zunaira, Swann Arlaud, Mohsen, son mari pris dans la tourmente, Simon Abkarian dans celui d’Atiq et Hiam Abbass, Mussarat, tous deux pris soit de remords soit de pitié en finissant par prendre conscience de l’enfer qui les guette. 

La bande originale de ce film composée par Alexis Rault est également à signaler par sa justesse avec le sujet.

Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec nous offrent donc un film dur et réaliste en nous faisant entrer dans cet univers infecte dans lequel règne la terrible « charia » que les talibans rêvent d’étendre sur la planète privant de liberté mais aussi ôtant la vie à tant de femmes et d’hommes dans un monde tourmenté qui n’a surtout pas besoin de ce fléau.

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