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La traversée – Florence Miailhe

La traversée – Florence Miailhe

Un village pillé, une famille en fuite et deux enfants perdus sur les routes de l’exil… Kyana et Adriel tentent d’échapper à ceux qui les traquent pour rejoindre un pays au régime plus clément. Au cours d’un voyage initiatique qui les mènera de l’enfance à l’adolescence, ils traverseront de multiples épreuves, à la fois fantastiques et bien réelles pour atteindre leur destination.

Appartenant à une famille qui a plusieurs fois souffert de l’exil (ses grands-parents ont fui Odessa au début du XXe siècle, sa mère et son oncle juifs ont gagné la zone libre en 1940 pour échapper à la barbarie nazie), Florence Miailhe a imaginé ce conte contemporain autour de populations pourchassées par la guerre, la faim et les persécutions, et prêtes à affronter tous les dangers dans l’espoir de trouver une meilleure terre.

La voix de la réalisatrice sert de trame vocale au récit conté par Kyona désormais âgée, qui n’a toutefois rien oublié de cette traversée effectuée avec son frère, alors qu’elle n’était qu’une toute jeune fille combattive, mais désemparée de treize ans. Depuis toujours, elle s’exprime par le dessin. Quand sonne l’heure du départ imposé, elle emporte son carnet qu’elle continue d’illustrer des scènes de leur nouvelle vie. Ces croquis constituent le squelette d’un scénario habilement échafaudé autour du souvenir des personnes qui ont jalonné le périple souvent douloureux, mais quelquefois cocasse, de ces adolescents qui quittent à la fois leur pays et leur enfance.

Adriel est un garçon de douze ans, imprévisible et farouche, capable d’actes irrationnels. Il est la préoccupation principale de sa sœur qui se sent entièrement responsable de lui. Leur relation évolue au cours du récit.

La personnalité de nos deux héros se révèle au fil des rencontres avec des personnages ambivalents ni tout à fait coupables, ni tout à fait victimes, qui ont cependant en commun d’avoir subi bien des affronts. Une façon de se démarquer du manichéisme habituellement inhérent aux contes traditionnels et d’éclairer ces épreuves d’une belle part d’humanité.

Se déroulant sur quatre saisons, l’action se transforme au gré des atmosphères et des événements, se colorant d’un rouge éclatant pour les moments les plus périlleux, ou d’un subtil dégradé de gris et blanc pour les parenthèses de sérénité.

Une technique innovante de peinture animée (une caméra posée sur une table photographie un dessin, puis renouvelle l’opération au fur et à mesure des modifications) crée une matière vivante, génératrice de tonalités changeantes. Un véritable artisanat qui a mobilisé dix décoratrices et quinze animateurs et animatrices durant trois ans pour créer l’illusion du mouvement et faire jaillir l’émotion.

Très largement applaudie au Festival du film d’animation d’Annecy, cette fresque intemporelle s’adresse autant à un public d’enfants que d’adultes, grâce à sa capacité à entrecroiser légende et actualité.

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