Poissons, écrevisses et crabes – Louis Renard
Publié à l’origine en 1719, avec une deuxième édition en 1754, Poissons, Ecrevisses et Crabes peut se targuer d’être la première publication en couleur connue sur les poissons – en l’occurrence, célébrant ceux des eaux des Antilles. Ce livre merveilleux est la création de Louis Renard – un éditeur, libraire et espion de la Couronne britannique (employé par la reine Anne, George I et George II). Ce dernier rôle, qui l’a vu contribuer à garantir la succession protestante au trône en refusant les subsides de James Stuart, n’était pas particulièrement secret et il semble que Renard s’en soit servi pour ajouter de la singularité à ses livres. Cet ouvrage, par exemple, est de fait dédié à George I, et la première page décrit l’éditeur comme « Louis Renard, Agent de Sa Majesté Britannique ».
Au total, à travers les deux volumes, le livre contient 100 planches portant 460 gravures colorées à la main – un total de 415 poissons, 41 crustacés, deux insectes, un dugong et, dans un dernier double pli, une sirène solitaire. Les gravures auraient été réalisées à partir de dessins tirés de planches de l’artiste Samuel Fallours (actif de 1703 à 1720) appartenant à Baltazar Coyett, gouverneur d’Ambon et Banda (1694-1706), et à M. Van der Stael, gouverneur des Moluques. Il n’y a pas de texte principal en tant que tel, seulement celui que l’on trouve dans et parmi les images, qui tend à être anecdotique, se concentrant principalement sur les recettes par opposition à la science.
Si les illustrations nous époustouflent aujourd’hui, avec toutes ces heures de reportages de Cousteau à notre actif, on ne peut qu’imaginer l’impact qu’aurait eu ces ouvrages eu sur un public européen du XVIIIe siècle, dont la vie océanique exotique de l’Orient était pratiquement inconnue.
Même pour le pescatologue le plus érudit d’aujourd’hui, bon nombre des illustrations pourraient donner lieu à des surprises. Les images de la première partie des deux volumes tendent à être assez réalistes, mais beaucoup de celles de la deuxième partie s’égarent quelque peu dans le domaine de la fantaisie, malgré les ardentes revendications d’authenticité de Renard. Comme l’explique la bibliothèque de l’Université de Glasgow, « beaucoup de poissons ne ressemblent en rien à des êtres vivants. Les inexactitudes se retrouvent dans l’ajout de petits visages humains, de soleils, de lunes et d’étoiles aux flancs des poissons et aux carapaces des crabes. Il semblerait aussi que les couleurs aient été appliquées d’une manière plutôt arbitraire. » Ce sont les visages expressifs et les couleurs étranges, en particulier, qui donnent à tant de poissons un faux air de bande dessinée, presque comme s’il s’agissait de portraits tirés d’un dessin animé océanique insolent, et bien sympathique.