Behind the future – Nicolas Dhervillers
C’est presque une ville et elle est presque morte. La nature est passée dessus, autour. Elle a fabriqué ses couleurs et sa propre architecture. De la mousse, très verte, a dessiné librement ses formes et s’amuse aujourd’hui avec les restes. Les restes des chemins ferrés, des larges cuves en cuivre, des grosses machines, des emmêlements de tuyaux, des montagnes de rouille, des hauts fourneaux. On dirait des entrailles de métal, à sec, une acropole de fer, une cathédrale d’acier oubliée par son dieu, révoquée et sans peuple.
Cette cité désaffectée de six hectares, c’est l’ancienne usine sidérurgique de Völklingen dans la Sarre, classée au patrimoine mondial de L’UNESCO. Nicolas Dhervillers l’a traversée. Il a cherché sa profondeur et a trouvé dans ses ruines, une beauté enténébrée d’une lointaine présence. Il est passé dans une zone, pareille à celle de l’Orphée de Cocteau, un lieu « où la vie est longue à être morte », un espace où seul règne le silence des ombres. Il a trouvé plus qu’un paysage, un décor, a pénétré son rythme, son langage. Il en a fait un prélèvement sensible, un document esthétique. Il a poussé ses photographies au-delà de l’archive et du simple constat. Il les a emmenées ailleurs, dans un passage intermédiaire et énigmatique, dans une région romantique entre chien et loup, entre la fin du jour et une nuit sans retour.
Il y a comme un malentendu dans les clichés de Nicolas Dhervillers, un anachronisme peut être, qui vient sans doute de cette chute vers l’opacité et le secret. Toucher aux lumières, au réel, fabriquer des airs de mystère, d’artifices permet de lutter contre toute forme de nostalgie.