Affiches – Otl Aicher
Otl Aicher n’a pas que produit la signalétique pour l’aéroport de Francfort, l’identité visuelle de la Lufthansa ou bien celle des Jeux Olympiques de Munich en 1972. Son travail a en effet une portée plus globale, questionnant autant le design graphique, le design de produits que l’architecture, sans se restreindre aux productions de l’auteur dans es très nombreux textes.
Parmi les leitmotive d’Otl Aicher, un argument revient fréquemment, celui de la chaise conçue de plus en plus par les designers comme un « objet d’autoreprésentation », plutôt que comme un élément de mobilier sur lequel s’asseoir. Tout aussi récurrente est la critique du réemploi, dans le design, du répertoire formel de Wassily Kandinsky ou de Piet Mondrian (les formes géométriques élémentaires telles que le carré, le cercle et le triangle, de même que les couleurs primaires pures). A ce titre, les chaises de Gerrit Rietveld sont une cible de choix pour Otl Aicher, qualifiées de « Mondrian en meuble, des objets d’art impropres qui avaient la prétention d’être utiles ».
Il n’est pas plus tendre avec ses contemporains ni avec le mouvement postmoderne quand il analyse les objets conçus par Aldo Rossi, Alessandro Mendini ou Ferruccio Laviani (« L’inutile objet d’usage courant »). A l’inverse, les chaises de Charles Eames et le projecteur à diapositives Kodak par Hans Gugelot sont à ses yeux de véritables réussites en matière de design.
Ce qui irrite Otl Aicher, c’est l’importance que prend l’esthétique dans le design, éclipsant les aspects techniques et fonctionnels. Il distingue ainsi les designers « moralistes » (catégorie dans laquelle il range Charles Eames et Hans Gugelot) des « esthètes », qui se focalisent uniquement sur la recherche du beau. Le conflit entre esthétique et usage traverse d’ailleurs l’ensemble de ses ouvrages, plus intensément encore quand il aborde l’Ecole d’Ulm (1953-1968), école de design qu’il a fondée avec sa femme Inge Scholl et Max Bill.
Alors que cet établissement est souvent considéré comme un prolongement du Bauhaus, Otl Aicher tempère cette comparaison en insistant sur la séparation claire qui est faite à Ulm entre art et design (« Bauhaus et Ulm »). Tout au long de ouvrages, le positionnement d’Otl Aicher est clair et mérite d’être entendu : le design ne se résume pas à des questions d’esthétique et se doit d’intégrer une portée à la fois politique et sociale. Le designer est tenu de jouer un rôle critique, et non pas seulement de rendre le monde « de plus en plus beau et agréable à mesure que nous le détruisons »