Les puits vénitiens
Dans une ville située au milieu d’une lagune d’eau salée, l’eau potable a toujours été l’une des préoccupations majeures.
Aux premiers temps de ce qui allait devenir la Sérénissime, la collecte de l’eau de pluie suffisait amplement. Avec le développement de la population, il fallut néanmoins développer des sources innovantes en approvisionnement d’eau.
C’est vers le début du XIIIème siècle que Venise se dota d’un genre unique de puits. Une simple utilisation des nappes phréatiques se révélant trop complexe, il fallut utiliser le sable comme base filtrante pour récupérer l’eau de pluie.
Ces puits étaient crées par les Pozzéri, appartenant à la corporation des maçons. En 1858, lors d’un recensement par les Autrichiens, on dénombrait dans la ville 6046 puits privés, 180 puits publics, et 556 points d’eau souterrains.
Sous chaque palais, chaque campi et places de Venise, et finalement dès qu’un peu d’espace était disponible, les Vénitiens ont construit d’importants réservoirs d’eau, avec des parois étanches enduites d’argiles, et plus tard de terre cuite.
Ces réservoirs peuvent atteindre jusqu’à 5m de profondeur sous le niveau de la lagune. Parfois, pour atteindre une profondeur suffisante et protéger la citerne des marées hautes, on a surélevé le sol de quelques décimètres. Le campo San Trovaso, le Campo Sant’Angelo ou encore la Piazzetta dei Leoncini sont de parfaits exemples de ce rehaut.
Au centre du réservoir, une cheminée affleure au niveau du sol, en étant coiffée d’une margelle de puits (le vera da pozzo), souvent accompagnée de quelques marches. Le reste de la citerne est ensuite remplie par strates : au fond des galets, puis du gravier, et pour combler le reste du volume du sable fin.
Lorsque la cavité était entièrement comblée de sable fin, on marquait une légère pente au sol en surface afin de diriger l’eau de pluie d’abord dans des rigoles (les sigillo en vénitien), puis vers des siphons de pierre (les gatoi) où elle disparaissait. L’eau était apportée dans des conduites (les cassoni) qui versait l’eau dans le sol. Afin de limiter la perdition, les vénitiens ont construit des cloches en brique ouvertes vers le sable, pour limiter l’évaporation et maximiser la quantité d’eau filtrée.
La zone autour du puits est elle même légèrement inclinée afin de maximiser la récoltes des eaux de pluie.
On recouvre ensuite la réserve d’eau par une couche de maçonnerie, sur laquelle on pose des pavés de chaussée, en légères pente vers les trous. A certains endroits les limites de la citerne sont marquées avec de la pierre d’Istrie.
L’eau de puits pénètre donc lentement dans la citerne, et en passant au travers des différents filtres de cailloux s’infiltre propre à la consommation dans le puit par les ouvertures laissées dans le fond.
La construction d’un puits était une opération fort coûteuse, entre la complexité de la construction, la quantité de matériaux, la variété des techniques ou des outils, les techniques de confinement… C’est pourquoi on trouve sur les margelles de très nombreuses armes des familles bienfaitrices de la ville, ayant offert cet indispensable élément à la Cité.
La plupart des puits étaient privés, mais l’usage qui en était fait était public, tant la question de l’eau était cruciale au bon fonctionnement de la ville. Les magistrats de la République (Magistrato alla Sanità et Magistrato alla Milizia da Mar d’après Tassini) étaient en charge de l’entretien des puits, de la gestion des nouveaux travaux et de leur financement.
Lors des successions ou des cessions immobilières, l’usage et l’accès aux citernes étaient des points âprement discutés, et étaient inscrits contractuellement.