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Zébu – Jean-Joseph Rabearivelo

Zébu – Jean-Joseph Rabearivelo

Voûté comme les cités d’Imerina
en évidence sur les collines
ou taillées à même les rochers ;
bossu comme les pignons
que la lune sculpte sur le sol,
voici le taureau puissant
pourpre comme la couleur de son sang.

Il a bu aux abords des fleuves,
il a brouté des cactus et des lilas ;
le voici accroupi devant du manioc
lourd encore du parfum de la terre,
et devant des pailles de riz
qui puent violemment le soleil et l’ombre.

Le soir a bêché partout,
et il n’y a plus d’horizon.
Le taureau voit un désert qui s’étend
jusqu’aux frontières de la nuit.
Ses cornes sont comme un croissant
qui monte.

Désert, désert,
désert devant le taureau puissant
qui s’est égaré avec le soir
dans le royaume du silence,
qu’évoques-tu dans son demi-sommeil ?
Est-ce les siens qui n’ont pas de bosse
et qui sont rouges comme la poussière
que soulève leur passage,
eux, les maîtres des terres inhabitées ?
Ou ses aïeux qu’engraissaient les paysans
et qu’ils amenaient en ville, parés d’oranges mûres,
pour être abattus en l’honneur du Roi ?

Il bondit, il mugit,
lui qui mourra sans gloire,
puis se rendort en attendant
et apparaît comme une bosse de la terre.

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