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Vanité – Birago Diop

Vanité – Birago Diop

Si nous disons, doucement, doucement
Tout ce qu’un jour il nous faudra bien dire,
Qui donc écoutera nos voix sans rire,
Mornes voix geignardes de mendiants
Qui vraiment les écoutera sans rire ?

Si nous crions rudement nos tourments
Depuis toujours montant couche à couche,
Quels yeux regarderont nos larges bouches
Faites au gros rire de grands enfants
Quels yeux regarderont nos larges bouches ?

Quel coeur entendrait nos vastes clameurs
Quelle oreille nos colères chétives
Qui restent en nous comme des tumeurs
Dans le fond noir de nos gorges plaintives ?

Quand nos morts sont venus avec leurs morts
Quand ils nous ont parlé de leurs voix lourdes ;
Comme nos oreilles ont été sourdes
A leurs cris, à leurs appels les plus forts
Comme nos oreilles ont été sourdes,

Ils ont laissé sur la Terre leurs cris,
Dans l’air, sur l’eau, ils ont tracé leurs signes
Pour nous fils aveugles sourds et indignes
Qui ne voyons rien de ce qu’ils ont mis
Dans l’air, sur l’eau où sont tracés leurs signes.

Et puisque nos morts nous sont incompris
Puisque nous n’entendrons jamais leurs cris
Si nous pleurons doucement, doucement
Si nous crions rudement nos tourments
Quel coeur entendra nos vastes clameurs
Quelle oreille les sanglots de nos cœurs ?

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