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Un clin d’œil – Jean-Joseph Rabearivelo

Un clin d’œil – Jean-Joseph Rabearivelo

Les yeux s’ouvrent, les yeux se ferment,
– on ne sait s’il peut frapper aux portes du ciel,
pendant ce temps l’éclair le plus rapide.
Les yeux s’ouvrent, les yeux se ferment,
– arrivent-il à franchir ce qui forme l’univers pour une fourmi,
le pas hésitant d’un enfant ?

Les yeux s’ouvrent, les yeux se ferment :
tes songes deviendront des cauchemars
si tu penses trop à ce qui peut mystérieusement se passer
pendant ce temps !

Quelles rides, que de rides secrètes
plissent alors le front de la terre,
et les joues de ta bien-aimée,
et celles des femmes que tu désires,
et celles des autres que tu ne connais même pas !
Quelles ébauches de fils blancs
s’apprêtent à coudre la jeunesse
et tressent le linceul qui enveloppera
les personnes qui ont trop vécu !

Les yeux s’ouvrent, les yeux se ferment –
Si tu vas à ces fenêtres
Ouvertes sur le monde,
n’y dénombre pas les fleurs qui viennent de naître
sur la tombe de celles qui sont déjà tombées ;
ne cherche pas à y trouver les stèles commémoratives
de ce qui n’est plus
ou de ce qui a changé dans le silence du Sort ;
– ces stèles écroulées aussitôt érigées
au cimetière qui s’étend derrière les yeux.
N’y contemple que cette jeunesse éternelle
qui s’offre à toi,
en un clin d’œil,
et qui est fille des vieux mondes successifs.

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