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Musique de chambre – James Joyce

Musique de chambre – James Joyce

(Extraits)

II

Des cordes dans l’air et sur terre
Font une douce musique ;
Des cordes au bord de la rivière
Où les saules se rejoignent.

De la musique au bord de la rivière
Car Amour y flâne ;
Des pâles fleurs sur son manteau,
De sombres feuilles sur ses cheveux.

Tout doucement jouant
Vers la musique sa tête penchant,
Et les doigts traînant
Sur un instrument.

VII

Mon Amour est légèrement vêtue
Sous les pommiers,
Où les vents joyeux ont le plus grand désir
De courir en compagnie

Là, où se tiennent les vents joyeux pour faire de l’œil
Aux jeunes feuilles qui passent.
Mon amour va lentement, penchée sur
Son ombre dans l’herbage;

Et où le ciel est une coupe bleu pale
Sur la lande riante,
Mon amour va légère, relevant
Sa robe de ses mains mignonnes

XIV

Ma colombe, ma belle,
Prend ton envol !
La rosée de la nuit repose
Sur mes lèvres et mes yeux.

Brodent les vents parfumés
Une musique de soupirs:
Prend ton envol,
Ma colombe, ma belle !

J’attends auprès du cèdre,
Ma soeur, mon amour.
Coeur blanc de la colombe,
Ma poitrine sera ton lit.

La rosée pale repose
Comme un voile sur ma tête.
Ma belle, ma jolie colombe,
Prend ton envol !

XV

A partir de rêves emperlés de rosée, mon âme, prends ton envol,
Du profond sommeil de l’amour ; comme de la mort,
Vois ! Les arbres sont remplis de soupirs
Dont le matin réprimande les feuilles.

Vers l’est l’aurore gagne graduellement
Où paraissent des feux se consumant doucement,
Faisant frémir tous ces voiles
De tulle grise et d’or.

Tandis que doucement, gentiment, secrètement,
Sautillent les cloches fleuries de la matinée
Et les choeurs avisés des fées
Commencent (innombrables !) à se faire entendre.

XVI

Oh qu’elle est fraîche la vallée !
C’est là que nous irons, amour,
A présent que tant de chœurs chantent
Là où s’en fut jadis l’amour.

Entends-tu pas là-bas les grives,
Amours, dont l’appel nous invite ?
Fraîche et tentante est la vallée
Et ce sera notre séjour.

XX

Dans le bois de pins sombre
Que ne reposons-nous
Parmi l’ombre profonde
Et fraîche de midi.

Le repos serait doux
Et si doux les baisers
Où la grande forêt
De pins lève sa nef.

La chute des baisers
Serait plus douce encore
Dans le tendre tumulte,
Chère, de tes cheveux.

Oh, vers le bois de pins,
Dans le midi du jour,
Viens, viens avec moi,
Maintenant, doux amour.

XXXVI

Celui que la gloire a déserté,
Qui n’a point trouvé d’âme pour le suivre,
Qui n’a que mépris et colère pour ses ennemis,

Et ne jure que par l’ancienne noblesse,
Celui-là, solitaire considérable,
A son amour pour compagnon.

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