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Mon université – Vladimir Maïakovski

Mon université – Vladimir Maïakovski

Vous savez le français,
vous divisez,
multipliez,
déclinez à souhait.
Eh bien, déclinez !
Mais dites-moi ─
pouvez-vous
chanter avec une maison ?
comprenez-vous la langue des tramways ?
Le petit de l’homme,
dès qu’il vient au monde ─
tend la main vers les livres,
vers les feuilles de copie.
Mais moi, j’apprenais l’alphabet sur les enseignes,
en en tournant les pages de fer et de tôle.
La terre, on la prend,
on l’émonde,
on la saigne ─
pour l’apprendre.
Ce n’est qu’une toute petite mappemonde.
Mais moi, mes côtes m’enseignaient la géographie,
ce n’est pas pour rien
qu’au sol
je me cognais la nuit.
De graves questions troublent les historiens :
─ Était-elle rousse, la barbe de Barberousse ? ─
Passons !
Je ne fouille pas ces poussières dérisoires.
Je connais à Moscou n’importe quelle histoire !
On prend Dobrolioubov (pour abhorrer le mal), ─
le nom s’y prête mal,
les parents râlent.
Moi,
les gavés,
depuis l’enfance je les hais,
toujours contraint
de me vendre pour dîner.
On s’instruit,
on s’assied ─
pour plaire aux dames,
les petites pensées heurtent leurs fronts d’airain.
Et moi,
je parlais
aux seules maisons.
Seuls les réservoirs d’eau devisaient avec moi.
Tendant attentivement leur lucarne,
les toits guettent ce qu’à l’oreille je leur corne.
Et ensuite,
sur la nuit
et l’un sur l’autre,
ils jabotaient,
tournant leur langue-girouette.

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