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Je vois les vrais génies et les vrais triomphateurs – Fernando Pessoa

Je vois les vrais génies et les vrais triomphateurs – Fernando Pessoa

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Comparés aux hommes simples et authentiques qui passent dans les rues de la vie, avec leur destin naturel fixé, une fois pour toutes, ces personnages qui hantent les cafés prennent une allure que je ne saurais mieux définir qu’en la comparant à celle de certains gnomes vus en rêve — qui ne nous apportent ni cauchemar ni tristesse, mais dont la seule évocation, au réveil, nous laisse, sans que nous sachions pourquoi, un arrière-goût de nausée, une répulsion pour quelque chose qui leur est associé sans vraiment faire partie d’eux.

Je vois les vrais génies et les vrais triomphateurs — même de modeste envergure — cingler à travers la nuit des choses sans savoir ce que fendent leurs proues altières, dans cette mer des Sargasses faite de fibres d’emballage et de rognures de liège.

Tout se trouve résumé là, comme la petite cour où donne mon bureau et qui, vue des fenêtres à barreaux de l’arrière-boutique, a l’air d’un réduit fait pour recueillir les ordures.

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