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Je ne dors pas. J’entresuis. – Fernando Pessoa

Je ne dors pas. J’entresuis. – Fernando Pessoa

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C’est tout d’abord un bruit qui fait un autre bruit, dans le creux nocturne des choses. Suit un hurlement vague, accompagné du balancement trivial des enseignes dans la rue. Puis il y a une montée subite dans la voix lavée de l’espace, tout frémit, et le balancement cesse au milieu de ce silence, de cette peur sourde qu’on n’éprouve qu’une fois passée.

Puis plus rien que le vent, uniquement le vent, et je constate, à demi assoupi, que les portes fermées tremblent, et qu’aux fenêtres, qui résistent, on entend les vitres qui tintent.

Je ne dors pas. J’entresuis.

Des vestiges flottent dans ma conscience. Je sens peser en moi le sommeil, sans que mon inconscience me pèse… Je ne suis pas. Le vent… Je m’éveille et je redors, je n’ai pas encore dormi. Paysage de sonorités aiguës et troubles, au-delà duquel je ne me connais pas. Je savoure, précautionneusement, la possibilité que je sois en train de dormir. En effet, je dors, mais sans savoir si je dors. Il y a toujours, dans ce que nous croyons (?) être le son, un son de fin de tout, de vent dans la nuit, et si j’écoute mieux, le bruit de mes poumons et de mon cœur.

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