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Et pourtant – Vladimir Maïakovski

Et pourtant – Vladimir Maïakovski

La rue s’effondra comme le nez d’un syphilitique.
La rivière – volupté en salive épandue.
En rejetant leur linge jusqu’à la dernière feuille,
Les jardins se prélassaient, obscènes, en juillet.

Je sortis sur la place,
Espace brûlé,
Je me coiffais d’une sorte de perruque rousse.
Les gens ont peur, il sort de ma bouche
Un cri mal remâché qui agite les jambes.

Mais on ne me jugera pas, on n’aboiera pas sur mon passage,
Comme pour un prophète, on couvrira mon chemin de fleurs.
Tous ceux qui ont perdu leur nez le savent :
Je suis votre poète.

Comme un cabaret, je redoute votre jugement dernier !
Moi seul à travers les édifices en feu
Les prostituées me porteront dans leurs bras comme une relique.
Et me montreront à Dieu en signe de justification.

Et Dieu pleurera sur mon livre !
Ce ne sont pas des mots, mais des convulsions agglutinées en boule.
Et il courra dans le ciel, mes vers sous le bras,
Et il les lira, suffoquant, à ses amis.

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