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Au tombeau d’Apollinaire – Allen Ginsberg

Au tombeau d’Apollinaire – Allen Ginsberg

Ici à Paris je suis ton invité chère ombre amicale
La main absente de Max Jacob
Le jeune Picasso m’apportant un tube de Méditerranée
Moi-même assistant au banquet rouge et vieux de Rousseau
J’ai mangé son violon
Merveilleuses fêtes au Bateau-Lavoir qui n’ont jamais été mentionnées
Dans les livres scolaires d’Algérie
Tzara au bois de Boulogne expliquant l’alchimie des coucous mitrailleurs
Il pleure en me traduisant en suédois
Élégant cravate mauve et pantalon noir
Une douce et tendre barbe émerge de son visage comme la
Mousse tapissant les murs de l’Anarchie
Il parlait interminablement de ses querelles avec André Breton
Un jour il l’aida à retailler sa moustache dorée
Le vieux Blaise Cendrars m’a reçu dans son cabinet de travail
Et à voix basse me parle de l’immense Sibérie
Jacques Vaché me pria d’examiner sa terrible collection de pistolets
Pauvre Cocteau attristé parle du merveilleux Radiguet d’antan
A sa dernière pensée je me suis évanoui
Rigaut avec une lettre d’introduction à la Mort
Et Gide vanta le téléphone et d’autres remarquables inventions
En principe nous étions d’accord bien qu’il baratinât sur Le linge de corps mauve
Malgré cela il but au goulot de l’herbe de Whitman intrigué
Par les amants qui se nomment Colorado
Princes d’Amérique arrivant les bras chargés de shrapnels et de base-ball
Oh Guillaume le monde si facile à combattre semblait si facile
Savais-tu que les grands classiques politiques envahiraient Montparnasse
Sans un seul brin de laurier prophétique pour verdir leurs fronts
aucune pulsation verte dans leurs oreillers aucune feuille ne reste de leurs guerres – Maïakovski est arrivé et s’est révolté…

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