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Les cris de Paris – Michel Poisson

Les cris de Paris – Michel Poisson

Pendant plus de trois siècles, – de la Renaissance aux temps industriels –, les plus humbles représentants du peuple urbain, les marchands ambulants, les Savoyards, les portefaix, les chanteurs et les musiciens de rue, les petits salariés du pavé parisien, tous « membres des Cris de Paris » ont constitué un thème d’inspiration artistique courant. Au fil du temps, l’iconographie qui les représente fait appel à des techniques variées de reproduction : gravure sur bois, burin, eau-forte, gravure en couleurs, lithographie, puis enfin la photographie. Les petits métiers de la rue retiennent l’attention de grands noms de la gravure comme Abraham Bosse dans la première moitié du XVIIe siècle, celle de « Maîtres » comme Edme Bouchardon, sculpteur du roi Louis XV, comme Watteau ou François Boucher, mais aussi celle de graveurs anonymes qui produisent des œuvres communes largement diffusées par les imagiers provinciaux d’Orléans, de Chartres, puis d’Épinal.

Au XIXe siècle, on relève encore la belle suite de Carie Vernet ou les photographies d’Atget. Les crieurs de rue peuplent également les œuvres littéraires, tableaux burlesques parisiens du XVIIe siècle, récits poissards largement diffusés entre le xviie et le XIXe siècle, évoquant le cabaret, la vie grouillante des ports et des halles ; encore ne dédaignent-ils pas apparaître sur les scènes du théâtre de boulevard ou de l’opéra comique. La musique leur fait également place depuis les polyphonies savantes de Clément Jannequin au temps du roi François jusqu’à la « symphonie des Cris de Paris » composée par Kastner en 1857. Si le thème des métiers ambulants de la capitale ne se situe pas au sommet de la hiérarchie des genres esthétiques et des sujets académiques, du moins étonne-t-il par sa longévité, par la diversité de son traitement et de ses publics potentiels, par les noms des artistes qu’il mobilise et qui créent des modèles maintes fois imités par la suite.

Les rythmes et les responsables de la production iconographique, les textes, les modes de consommation de ces imprimés que de riches amateurs collectionnent parfois, soulignent en particulier le véritable engouement pour les représentations du peuple parisien qui semble s’emparer du public, notamment au temps des Lumières. Pourtant, la figure du crieur de rue est ambivalente, une ambivalence à la mesure du mépris social qui frappe les états les plus « bas » de la société d’Ancien Régime.

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